Carnet de bord – Mars 2024

28 mars 2024

La vie dans les bois

Vivre dans les bois est, pour nombre d’entre nous, un fantasme ! Adolescent, j’ai rencontré un vieux bucheron qui, dans son enfance, vivait presque toute l’année dans une hutte en forêt où ses parents étaient charbonniers. De nombreux artisans travaillaient et habitaient alors la forêt : sabotiers, fabricants de barreaux de chaise, de douelles de tonneaux… Aujourd’hui, cette époque est révolue. Faut-il s’y résoudre ? Comment pourrions-nous réinventer un lien fort avec la forêt ? On s’y sent tellement bien ! Les effets bénéfiques des arbres pour la santé humaine sont maintenant scientifiquement prouvés.La ferme laisse bien peu de loisirs, c’est un engagement total. Mais en hiver j’aime énormément prendre le chemin de la forêt pour couper notre bois de chauffage (tout ou presque fonctionne au bois, ici !). Un plaisir prolongé par les travaux d’atelier, le dimanche.Posséder une forêt est un rêve inaccessible pour la plupart d’entre nous. Alors soyons créatifs et plantons des arbres, le plus possible, afin « d’emboiser » nos paysages ! Au Bec Hellouin nous testons l’agroforesterie sous toutes ses formes. Tiens, je vous en dirai plus sur les « jardins de bois » dans un prochain Carnet… Mais celui-ci va plutôt évoquer les trognes, l’artisanat et la forêt-jardin !Faire le plus possible avec le bois peut devenir la base d’un véritable art de vivre, que j’évoque dans mon livre « Faire son bois de chauffage sans pétrole », Résiliences, ULMER.

Elle est pas belle, ma trogne ?

La conduite des arbres en trognes, ou têtards, remonte à l’antiquité. Dans le bocage vendéen de mon enfance on se souvenait encore des familles de chouans qui se cachaient dans les « craquottes », ces énormes têtards creux, lorsque les colonnes infernales ravageaient le pays, pendant la révolution. Cela explique pourquoi les trognes m’ont toujours fasciné. Elles peuvent devenir de véritables sculptures ! Dans notre ferme, il n’y en a que quelques unes d’âge respectable, des saules. Aussi en avons-nous formé de nouvelles, à peine installés. Ce saule têtard qui borde l’île-jardin a été planté en 2009 et il a déjà une taille honorable, non ?

Ce mois-ci, nous avons planté une haie formée principalement de boutures de peuplier et de saule, dans le futur jardin de Lila, ma fille aînée qui s’installe au Bec Hellouin (quel bonheur !). Ces essences à croissance rapide se prêtent particulièrement bien à la conduite en têtards. Il suffit de les couper régulièrement à la hauteur désirée, en quelques années une tête se forme. On espace alors les coupes – une coupe tous les 8 ans environ permet d’avoir des branches d’une bonne taille pour faire du bois de chauffage en abondance.J’en profite pour signaler que Lila poste plusieurs vidéos didactiques par semaine sur la page Instagram de la ferme. Certaines sont dédiées à ces thématiques.

Dans l’atelier

Les plantes sont des œuvres d’art que la nature offre à qui sait les voir. Travailler le bois est mon loisir préféré. Ce mois-ci, j’ai poncé plusieurs pièces de bois de taille impressionnante avant de les installer dans l’écocentre. Elles sont simples, belles et profondément émouvantes. L’une d’elles est une trogne, justement, qui raconte plus d’un siècle passé sous les caresses du soleil et de la lune, du vent et de la pluie… Ce sont nos mains qui la caressent maintenant, elle est tellement mieux là qu’en bois de chauffage !

Au bord du ruisseau, Lila ponce de grandes planches de frêne pour aménager sa maison. Je suis heureux de la regarder faire avec tant d’enthousiasme !

La mini forêt-jardin

La semaine dernière, une douzaine d’anciens stagiaires sont venus réaliser un chantier participatif. Merveilleuse expérience ! La ferme pétillait de ces belles énergies, de ces partages. Tant de solidarité m’a bouleversé, car seul je ne puis maintenir la ferme à ce haut niveau d’exigence, ni conduire tous les programmes de recherches. Merci du fond du cœur, les ami(es) !25 heures ont été dédiées à l’entretien hivernal de la mini forêt-jardin. Elle fait l’objet d’une étude depuis 9 ans, rappelons-le, ceux que cela intéresse peuvent lire les rapports annuels sur notre site, ou mon guide « Créer une mini forêt-jardin », Résiliences, ULMER.

Nous avons d’abord taillé les arbres fruitiers.  J’avais fait l’erreur de les planter trop serrés et ne pouvait me résoudre à en sacrifier une partie. J’ai finalement opté pour le fait d’en rabattre certains drastiquement. Ainsi taillés, ils ne donneront pas de fruits, mais beaucoup de jeunes rameaux qui seront l’hiver prochain broyés en brf, afin de fertiliser la forêt. J’aime bien l’idée de restituer les tailles sous forme de broyats, afin de couvrir le sol et d’entretenir la fertilité.La forêt-jardin a ensuite été désherbée (une tâche légère, car réalisée 3 fois par an), avant d’être paillée.

Les plantes voyagent

Il est passionnant d’étudier l’évolution de cette mini forêt-jardin au fil des ans, ce modèle est encore si expérimental ! Et cependant plein de promesses puisque, durant ses 7 premières années, la mini forêt a produit 4 664 € en moyenne chaque année, pour 220 m2 plantés hors allées, en échange de 80,88 heures de travail annuel (données extraites du rapport « Programmes de recherches à la Ferme du Bec Hellouin 2022 », page 22, en ligne sur notre site www.fermedubec.com).Certains végétaux couvre-sol que nous avons implantés la première année ont disparu. Mais la semaine passée, nous avons constaté avec joie que les framboisiers et, surtout, l’ail des ours colonisaient rapidement la mini forêt. Une excellente nouvelle car ces végétaux sont aussi savoureux que créateurs de valeur !

Dans la serre

Les jeunes plants semés début février sur couches chaudes sont maintenant en train d’être repiqués en pleine terre, soit sous serre, soit sur l’île-jardin. Cette année encore, l’ancienne technique des couches chaudes a donné entière satisfaction. La valeureuse équipe les a rechargées la semaine passée, pour relancer la chauffe et protéger du froid les cultures estivales : tomates, aubergines, concombres, poivrons, courgettes, melons et pastèques.Les cultures poussent à vue d’œil : associations de pois et aillets ou laitues, pommes de terre, radis, mescluns… Cultivés avec amour pour nourrir les stagiaires lors des formations à venir !

Curage des mares

La semaine passée toujours, nous avons curé les mares, qui s’envasent relativement vite. Une opération lourde et pas très satisfaisante, conduite avec une pelleteuse et fignolée à la main, car elle affecte la biodiversité abondante dans ces plans d’eau (pas moins de 10 espèces de libellules dans la mare autour de l’île-jardin, sans parler des écrevisses à pattes blanches, couleuvres, crapauds, grenouilles et des poissons !). Mais nous ne pouvons laisser les mares se reboucher, alors il faut bien se résoudre à les curer partiellement, tous les 4 ans environ.

Bientôt la formation de Thérapeute psychocorporel

Avec une belle équipe composée d’Elodie, Naomi, Cindy, Marine et moi, nous préparons activement la nouvelle formation de Thérapeute psychocorporel qui se déroulera à la ferme d’avril à novembre prochain. Mon grand rêve est que la ferme soit un lieu de guérison tant pour le sol, les plantes et les animaux que pour les humains. Il existe tant d’approches nouvelles et efficaces à explorer ! Si l’aventure vous tente, il reste encore quelques places !Je suis depuis longtemps persuadé du fait que les solutions aux crises écologiques et sociales ne sont pas que techniques : elles passent également par le cœur des humain(es). A ma surprise, cette prise de conscience gagne aussi le monde scientifique : j’ai été invité, du 12 au 14 mars,  à participer à un colloque organisé par des chercheurs.euses de l’INRAE et d’autres organismes à la Bergerie Nationale de Rambouillet, là où s’élaborent les programmes de l’Enseignement agricole d’Etat, sur le thème « Les approches sensibles dans l’enseignement agricole comme moteur de la transition écologique ». Le PNUD commence également à intégrer cette notion « d’agriculture sensible ».  La ferme fait figure de pionnière en ce sens, et les chercheurs étaient particulièrement intéressés par nos formations en Ecologie intérieure.

Les animaux, la famille et moi-même vous souhaitons un heureux printemps !

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