Carnet de bord – Février 2024

28 février 2024

Passé le coup de froid de janvier l’hiver est doux, si doux ! Au cours des 12 mois écoulés la température moyenne de la planète s’est réchauffée de + 1,5°C (+ 1,7°C en France). Les climatologues prévoient que le réchauffement a une chance sur deux d’atteindre de manière stable ce seuil fatidique, fixé par l’Accord de Paris comme l’objectif à ne pas dépasser pour 2100, d’ici 10 ans !
Face à cette évolution climatique tellement désastreuse pour les générations à venir, que faire ? Attendre des décisions « d’en haut » ? La profonde crise en cours dans le monde agricole est édifiante sur ce point : face à la colère parfaitement légitime des agriculteurs, et que je partage, que demandent les syndicats majoritaires ? Entre autre, des énergies fossiles bon marché, un ajournement du plan Ecophyto, un allégement des mesures agro-environnementales… Ce que le gouvernement s’empresse d’accorder.
Nul besoin d’avoir fait de longues études pour savoir que le travail répété des sols, autorisé par le pétrole bon marché, et les pesticides contribuent à l’appauvrissement des terres en humus, ce qui accélère leur désertification et diminue leur capacité à stocker l’eau. Pas grave, on va construire plus de méga bassines ?
N’est-ce pas le rôle des élus syndicaux et politiques que de penser l’avenir à moyen et long terme ? Plutôt que de prendre des décisions qui perpétuent « l’ancien monde » et qui ne feront qu’aggraver les crises à venir – notamment le naufrage du monde agricole, faisant peser de très graves menaces sur notre sécurité alimentaire -, ne devrions-nous pas réfléchir ensemble à une évolution très profonde de notre alimentation et de la manière dont nous la produisons ? Cela concerne chacun d’entre nous, puisque nous mangeons tous ! Ce que mangeront demain nos enfants est un sujet trop grave pour le confier aux seuls élus, plus soucieux de leur réélection que de notre avenir.
J’en viens à douter sérieusement de la capacité de nos élites et représentants à piloter l’indispensable transition écologique de notre société. Alors, quoi ? Alors à nous, citoyennes, citoyens, de prendre la responsabilité de notre alimentation et de sa production ! Nous pouvons agir puissamment à notre modeste échelle, plus encore si nous nous associons localement à celles et ceux qui se préoccupent de notre avenir commun. Et n’oublions pas que nous avons les institutions que nous méritons : comme l’écrivait Patrick Whitefield, un grand pionnier de la permaculture outre-Manche, nos institutions sont le reflet de nos millions de décisions individuelles.
N’en doutons pas une seconde : nous avons le pouvoir de changer le monde. Se mettre les mains dans la terre est un acte éminemment politique ! Soutenir les petites fermes bio, paysannes et locales, également. Il y a urgence à le faire, elles sont pour la plupart à bout de souffle.
On y va ?

Le sol

Le sol est le socle de tout, la fondation sur laquelle s’érigent nos civilisations. Offrir à la terre de son jardin, de sa ferme, des soins conscients et amoureux est d’une importance vitale. Il s’agit même d’un acte de solidarité profonde avec les générations à venir car il en faut, du temps et du travail, pour augmenter la teneur en humus de notre terre !
Dès l’automne nous avons déposé une épaisse couche de fumier sur la plupart des buttes permanentes de la serre. Les allées ont reçu une bonne couverture de BRF. Pourquoi ? Parce que je suis seul maintenant pour gérer toute la ferme, hormis quelques coups de main ponctuels (et précieux !). Je cherche à diminuer la charge de travail, le désherbage notamment. La production va diminuer mais elle sera largement suffisante pour couvrir nos besoins et nourrir nos stagiaires en formation. Les excédents sont offerts aux Restos du cœur.
Ce paillis de bon fumier de cheval étouffe les adventices (laissées en place tant qu’elles ne sont pas trop développées, elles constituent une forme d’engrais vert), et nourrit généreusement le sol. Les vers se chargent de l’enfouir et d’ameublir la terre. Lorsque j’ai besoin d’implanter une culture, il suffit de creuser des trous ou une tranchée à travers le paillis, ou bien de l’enlever en le déposant sur la butte voisine, avant de passer la Campagnole pour reformer la planche (la bande de terre cultivée).
Lorsque j’implanterai les cultures d’été : tomates, courgettes, concombres, aubergines et poivrons, le paillis sera déjà bien décomposé et il suffira de repiquer les plants à travers.
A l’approche de l’été, les paillis seront renouvelés grâce au substrat provenant des couches chaudes, qui seront défaites en mai.
Dans les bacs de culture surélevés, nous apportons plutôt du compost. Ces bacs sont cultivés plus intensément, toute l’année. Ils sont très soignés et vraiment agréables à travailler ! L’orfèvrerie du maraîchage !
Les déchets organiques de la maison viennent nourrir les poules, qui ont leur poulailler dans la serre. En fin de saison l’excellent compost qu’elles fabriquent, enrichi de leurs déjections, est extrait du poulailler et vient fertiliser les cultures exigeantes. Toute une petite économie circulaire, où les déchets d’une activité deviennent la ressource d’une autre !

Nous épandons également, durant l’hiver, les cendres des feux de bois qui chauffent nos maisons.

La plantation des pommes de terre

Généralement j’implante une planche de pommes de terre primeurs sous serre, dès la fin janvier. Cette année j’ai ouvert le lit de fumier épais d’une quinzaine de centimètres qui recouvre la butte, puis creusé une tranchée à la houe, en ameublissant bien le fond. Les pommes de terre récoltées l’an passé, qui ont commencé leur germination, sont déposées, assez serrées car je ne cherche pas une production de gros calibre. La plantation est profonde de 10 cm à peine, puis je recouvre d’une vingtaine de centimètres de fumier. Laisser les pommes de terre juste sous le fumier, sans les enterrer, les expose à trop d’attaques de ravageurs et elles n’ont pas bel aspect. Dans 3 mois, nous pourrons récolter de délicieuses pommes de terre grenaille, de vrais bonbons, pour nourrir les stagiaires de notre formation de thérapeute psychocorporel qui débutera fin avril.
Le maraîchage est une affaire de planification. Même si je ne commercialise plus ma production, j’éprouve beaucoup de plaisir à produire pour nourrir nos stagiaires, je pense à eux en semant, et j’apporte autant d’attention que par le passé à démarrer tôt la saison. Nous sommes le 22 février et sur nos couches chaudes les courgettes, tomates, concombres, aubergines et melons ont déjà levé, comme chez les jardiniers-maraîchers parisiens du XIX° siècle !

Faire ses plants


Quasiment tous les plants de printemps ont déjà été semés, et notamment toutes les cultures estivales. Ensuite, jusqu’à l’automne, les semis s’enchaîneront régulièrement afin de ne pas avoir de trous dans la production des principaux légumes. C’est l’un des aspects passionnants de ce métier !
Un espace « semis » très pratique a été aménagé dans notre serre, pour réaliser cette tâche agréablement et confortablement : des étagères pour les pots et plaques, un vaste bac pour le terreau, un plan de travail pour recevoir les pots remplis, une belle table de semis. Les contenants sont ensuite déposés sur les couches chaudes ou dans des bacs dédiés au-dessus du poulailler, où la température est en moyenne supérieure de 5°C (l’air chaud monte !).

Nos amis les campagnols

Je sais qu’en paillant ainsi une large surface de la serre, je m’expose à une explosion de la population de campagnols. Le voile de plastique les mets à l’abri de leurs nombreux prédateurs. Heureusement, nous disposons de précieux auxiliaires. Bibi, notre gros chat gris, a élu domicile dans la serre depuis plusieurs années, et il est visiblement très bien nourri. Les 4 autres chats de la ferme lui donnent un coup de patte pour contrôler les rats et souris qui accompagnent les activités agricoles. Quant à nos deux chiens Nouchka et Edgar, vous pouvez les admirer sur la photo rentrant d’une intense chasse aux ragondins, qui se nourrissent dans l’île-jardin ! Leur présence éloigne aussi les lapins.

Semis de blé de printemps

Le 15 février, une légère accalmie dans les pluies a permis de réaliser un semis direct de blé. Une vidéo a été réalisée sur ce thème, visible sur Instagram. J’ai semé un mélange de blé barbu, qui résiste mieux à la prédation des oiseaux. Le même mélange a été semé en rang à l’automne sur la parcelle attenante. Cela permettra de comparer deux modes d’implantation différents, à différentes époques de l’année.
Le programme « céréales jardinées » se développe d’année en année, avec nos amis de l’INRAE de Rennes et de l’association Triticum. Les rapports annuels sont consultables sur notre site www.fermedubec.com.

Les deux ans de Résiliences !

Notre collection de petits guides pratiques en papier recyclé compte maintenant 28 titres ! Voici les quatre derniers. Encore quelques semaines de patience et vous pourrez découvrir de nouveaux guides essentiels, notamment celui d’Emmanuel Bourguignon sur le sol et celui de Luc Devaux sur les semences. Des ouvrages de grande qualité, ayant demandé plusieurs années de gestation. Nous sommes si fiers de les publier !
Ma fille Lila, qui va bientôt s’installer au Bec Hellouin, développe la présence de la ferme sur les réseaux sociaux, alors si vous le souhaitez, vous pouvez suivre les pages Instagram et Facebook de la ferme où elle publie régulièrement vidéos didactiques et photos.

Je vous souhaite une heureuse fin d’hiver !
Charles

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