Carnet de bord – Janvier 2024

23 janvier 2024

Après un automne particulièrement pluvieux, froid et neige sont arrivés cette semaine. Le solstice d’hiver a marqué le grand basculement, le retour vers la lumière. Encore imperceptible, il envoie pourtant un signal fort à la nature et à ceux qui la soignent : la terre prépare son réveil, bientôt les arbres vont bourgeonner et fleurir, l’herbe repousser, les jardins se couvrir de jeunes pousses !

Une nouvelle année s’ouvre, comme un cadeau. Un cadeau ? Le monde est troublé par tant de violences, le climat se dérègle si rapidement… Que faire ? Ne pas oublier surtout que le monde que nous habitons est la somme de nos engagements individuels. Alors engageons-nous donc et avançons d’un pas résolu, nul doute qu’ensemble le chemin sera beau !

VIVRE AVEC LE BOIS

Dans notre ferme, l’hiver est toujours associé au feu, omniprésent. La cuisinière Godin chauffe la maison, l’eau chaude sanitaire et nous permet de cuisiner. Le soir, la grande cheminée accueille une flambée et nous dînons devant. Nous apprécions toustes le ballet des flammes qui sécurise et apaise les humains depuis 800 000 ans au moins ! Comme autrefois, du temps des veillées paysannes, le repas s’éternise en échanges détendus. C’est si précieux le dialogue entre générations !

Il faut environ 3 semaines de travail pour couper, fendre et ranger le bois nécessaire au fonctionnement de l’ensemble de la ferme pour une année. A l’automne j’ai repris le chemin des bois pour bucheronner, une activité que j’avais délaissé depuis qu’un gros chêne m’était tombé sur la tête il y a près de 3 ans, me laissant partiellement handicapé. J’avais vraiment peur en reprenant une tronçonneuse, surtout que je suis seul à la ferme maintenant. A chaque fois que possible je travaille avec des outils manuels, une approche vraiment satisfaisante que j’ai décrite dans « Faire son bois de chauffage à la main », Résiliences, ULMER 2022.

Pour que le chauffage au bois soit simple et efficace, une bonne organisation est indispensable. Allumer le feu est rapide et plaisant lorsque l’on a tout sous la main. Nous avons construit derrière la maison un grand bûcher qui abrite deux années de bois de chauffage. Il est soigneusement trié : les bûches de 45 cm pour la cuisinière à bois, les bûches de 35 cm pour les poêles, les grosses et longues pour la cheminée, le petit bois et les fagots pour allumer le feu…

Lorsqu’il neige fort et que les températures plongent la nuit, le thermomètre descend parfois à 11 °C dans la maison en fin de nuit, 7°C dans mon bureau. Franchement, on s’y habitue très bien ! Un feu vif réchauffe en quelques heures la maison. Et sans le froid, apprécierait-on la chaleur ? Le bois est un compagnon, un art de vivre et lorsqu’on l’aime, on ne pourrait plus s’en passer !

Et pour aller plus loin, l’an passé une stagiaire venue du Nord, Lone, m’a appris à me baigner toute l’année dans l’étang, quitte à briser la glace ! Cela offre un sentiment très fort de reliance à la nature, même au cœur de l’hiver, ainsi qu’une confiance accrue en ses capacités. On se sent bien vivant ainsi !

LES CÉRÉALES JARDINÉES

Cette semaine nous avons accueilli Antoine Marin et sa collègue Emma Jeavons, chercheur.euse à l’INRAE. Simon, qui préside l’association Triticum, s’est joint à nous. Ensemble, nous travaillons depuis plusieurs années à retrouver de très anciennes techniques de culture des céréales jardinées. Un programme éminemment passionnant, et, très franchement, difficile parce qu’il faut réussir à aligner de nombreux paramètres : des variétés anciennes adaptées au climat et au sol de notre ferme, un itinéraire technique efficace et un planning de culture adapté. On s’écarte énormément des pratiques contemporaines, avec des semis précoces et espacés afin de favoriser le tallage.

Cette fois encore nous avons été saisis d’un certain découragement en voyant l’enherbement des parcelles, malgré plusieurs désherbages avant les grosses pluies d’automne. Beaucoup de jeunes plants amoureusement repiqués en septembre ont disparu, peut-être à cause des binages et buttages trop musclés ? Mais cette question des céréales jardinées est tellement passionnante que nous sommes décidés à persévérer !

Je ne suis pas chercheur ni scientifique… Pour moi, la quête de solutions que nous menons à la ferme depuis 20 ans maintenant est un peu comme la pêche à la ligne : on jette un hameçon à l’eau sans savoir si on rentrera bredouille, ou avec une minuscule sardine, ou un énorme thon ? Mais une chose est certaine : si on ne part pas à la pêche, on ne rapportera rien ! Explorer des techniques de culture qui remontent à l’antiquité, mais ont été totalement délaissées, demande bien des années d’efforts. Quoi qu’il en soit, chercher est en soi une joie et engendre de belles rencontres (de bons repas aussi) !

Pour en savoir plus sur ces recherches, vous pouvez lire les rapports scientifiques en ligne sur notre site www.fermedubec.com.

LA SERRE SE RÉVEILLE

La saison printanière se prépare déjà dans la serre. Chaque espace est désherbé, fertilisé, paillé. Les nombreux arbres fruitiers (figuiers, bananiers, agrumes…) qu’accueille la serre sont taillés. Cela donne beaucoup de biomasse, à transformer en compost ou en BRF. Les couches chaudes permettent de lancer les premiers semis de l’année.

Ces journées solitaires dans cet espace intime sont un bonheur, bercées par ma musique, dégustant des mandarines juste cueillies lorsque la faim se fait sentir. Il y règne une douce chaleur et l’on oublie les conditions extérieures plus difficiles.

RÉSILIENCES

Avec ma fille aînée Lila et la merveilleuse équipe des éditions ULMER, nous travaillons intensément à la collection Résiliences, ces guides pratiques destinés à celles et ceux qui souhaitent vivre une transition écologique profonde et joyeuse ! Il y a quelques jours 4 nouveaux titres sont arrivés, c’est comme recevoir de nouveaux bébés ! Ils seront en librairie en février. 28 livres en deux ans, beaucoup de nouveaux en préparation, à la maquette ou en cours d’écriture… Et puis (petit scoop !), en plus des guides actuels, une nouvelle collection Résiliences de plus grand format, dédiée aux sujets demandant davantage d’espace, va paraître en avril ! Ces jours-ci, nous cherchons assidûment un beau concept de couverture pour ces futurs guides. J’espère que vous les aimerez !

Personnellement, j’adore passer des jardins au bureau et aux échanges avec les auteurs.trices, concilier pratique et partage en direct ! Ce travail créatif nous met en lien avec un écosystème de personnes engagées, ultra motivées, et bien souvent les collaborations se poursuivent sur plusieurs titres et se transforment en amitiés.

DE RETOUR D’INDE ET DU NÉPAL

Ma fille Rose et son compagnon Lancelot, tous deux paysagistes et passionnés d’agriculture et de nature, ont passé l’été dernier 3 mois en mission au Népal et en Inde, au service de l’ONG Karuna Shechen, fondée par le moine bouddhiste Matthieu Ricard. Ils y ont partagé la vie des petits paysans et observé les techniques et approches naturelles et low tech auxquelles ils ont recours. Cette mission préfigure une vaste enquête sur les « solutions paysannes » que nous souhaitons étendre avec Karuna, en vue d’inventorier des alternatives efficaces à l’agriculture industrielle. Elles pourraient permettre au milliard de paysannes et de paysans qui travaillent à la main de s’adapter au changement climatique et améliorer la sécurité alimentaire de l’humanité. Le rapport de mission de Lancelot et Rose a été présenté aux équipes internationales de Karuna en décembre. Une vingtaine de solutions ont été identifiées durant ces trois mois de terrain, dont trois qui ont particulièrement retenu notre attention, au regard des critères d’évaluation. Le début d’une grande aventure ?

GUÉRIR LA TERRE ET LES HUMAINS

Vraiment, l’hiver n’est pas un long repos ! Car la saison de formations 2024 se prépare intensément, elle aussi ! J’ai de nombreux entretiens avec les personnes qui se portent candidates pour notre toute nouvelle formation de thérapeute psychocorporel. Je me demandais si ce nouveau programme intéresserait quelqu’un, et bien la réponse est oui : la formation se remplit à vue d’œil ! Je me réjouis tellement d’explorer avec cette belle équipe des chemins de guérison pour les êtres humains, qui les relient avec leur corps, leurs émotions, leurs énergies et leurs aspirations les plus profondes, mais aussi avec toutes les formes de vie. Nous sommes UN, tous reliés, tous solidaires ! Cette formation est une goutte d’eau mais elle contribuera – c’est mon vœu le plus cher -, à inventer des chemins d’empathie et de respect, de nouvelles manières d’habiter la Terre.

Et puisque la lumière revient dans le ciel, je vous en souhaite tout plein dans votre cœur ! Que cette année voit vos plus beaux rêves se réaliser.
Avec toute mon amitié,

Charles

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